Un patrimoine matériel et immatériel exceptionnel
La Médina, ville historique enfermée dans ses remparts
La Médina est le tissu urbain le plus ancien de l’actuelle agglomération de Marrakech. Longtemps divisée administrativement, on peut considérer aujourd’hui que les quartiers historiques s’étendent jusqu’à l’Agdal englobant Mechouar-Kasbah intra et extra-muros, les jardins de l’Agdal et les abords du Oued Issil.
Cette cité dans la cité est le fruit d’une sédimentation urbaine millénaire. Chaque nouveau régime impérial apposant sa marque par la construction de nouveaux ouvrages et jardins à la gloire de leur austère magnificence respective.
Jusqu’au milieu du 20ème siècle, la Médina a su préserver un équilibre délicat entre ses différentes fonctions politiques et militaires, intellectuelles et spirituelles, résidentielles, commerciales et artisanales.
Dès 1950, les changements brutaux affectant l’équilibre démographique. L’organisation sociale et productive des territoires urbains et ruraux ont provoqué des désordres aboutissant à une dégradation progressive de la médina.
Au début du 21ème siècle, l’importance des investissements et l’enthousiasme pour le tourisme ont permis la restauration de certains des joyaux de l’architecture locale, mais cet engouement et ce développement hôtelier ont très souvent mené à des comportements inadéquats sans respect de l’authenticité architecturale et culturelle et ont engendrés des modifications importantes de l’identité bâtie, sociale et symbolique de la ville ancienne.
Vers 2003, l’attrait des quartiers comme Guéliz, la Palmeraie ou la campagne va permettre de diminuer la pression sur les quartiers anciens mais on se doit de constater à ce jour, que ce site classé patrimoine mondial reste toujours en cours de dérogation, banalisation et perte d’identité.
La situation actuelle de la médina de Marrakech reste préoccupante. Le classement de ce monument n’a malheureusement pas été traduit par un classement de bâtiments, de façades, des quartiers ou d’activités, ce qui implique que ce classement général n’a pu empêcher le délabrement de son caractère et de son authenticité. Seuls les quelques monuments historiques stratégiques dans les circuits touristiques ont bénéficié d’une attention particulière pour les mettre en valeur.
Au-delà de la précarité du tissu urbain et de la dégradation du bâti, le caractère architectural des habitations et l’organisation spatiale traditionnelle ont été fortement affectés. En effet, ces dernières années, la reproduction d’une forme d’architecture non appropriée dans les quartiers traditionnels de la médina est apparue. On observe une confusion entre les archétypes d’une architecture d’intérieur (colonnes, balcons, plâtre sculpté, fer forgé, briquettes, zellige) et ceux correspondant à l’extérieur.
Les modifications de l’organisation du commerce ont eu un impact considérable sur le tissu urbain et la vie des riverains. En effet, l’implantation sporadique des nouveaux commerçants s’accompagnant d’une pollution visuelle par une signalétique hétérogène et une emprise de plus en plus importante sur l’espace public (déjà minimisé pour le piéton) ont bouleversé la structure urbaine des quartiers traditionnels. Ces commerces doivent ils s’ouvrir sur rue ou se concentrer à l’intérieur d’une kissaria ou d’un fondouk ?
De plus, une déqualification des souks, un déclin des boutiques spécialisées, une invasion de bazars pour touristes et un développement d’échoppes de produits industriels bas de gamme au détriment des ateliers d’artisanat provoquent un déséquilibre important dans la hiérarchie commerciale. Comment retrouver une cohérence dans ces activités ?
Est il encore possible de redonner à la médina devenue extravertie, son calme et sa sérénité tant apprécié par le visiteur. Comment intervenir sur le patrimoine urbain ? le règlement d’urbanisme ne suffira pas à rattraper toutes ces erreurs d’incompréhension architecturale et urbaine, faut-il dès lors envisager une action volontaire des acteurs publics pour homogénéiser l’ensemble ?.
La perte d’identité et d’authenticité de ces quartiers traditionnels, leur isolement du reste de la ville, la pollution, les problèmes de circulation et de stationnements accentuent chaque jour, un peu plus la situation détériorée de ce patrimoine mondial.